Le décret relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), attendu de longue date, vient d’être publié en lien avec la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Que faut-il retenir ?
• L’article R4301-1 du Code de la Santé publique est modifié et introduit deux éléments importants :
– Tout d’abord, les patients peuvent s’adresser directement à l’IPA lorsque ces derniers exercent en structure d’exercice coordonnée (établissement de santé publics et privés, établissement médicaux-sociaux, centres de santé, maison de santé pluriprofessionnelle, équipe de soins primaires, équipe de soins spécialisé).
– Le deuxième point majeur est l’introduction de la conduite diagnostique et des choix thérapeutiques pour les professionnels exerçant dans les structures d’exercice coordonnée. Jusqu’ici, la conduite diagnostique et les choix thérapeutiques étaient de la seule compétence du médecin. La modification de cet article maintient ce mode de fonctionnement uniquement pour les personnes hors structures d’exercice coordonnée. Cela signifie donc qu’un IPA en structure d’exercice coordonnée pourra poser un diagnostic, et introduire une thérapeutique. Ces thérapeutiques ne sont pas encore définies et feront l’objet d’un arrêté spécifique dans les prochaines semaines.
• Ces éléments sont confirmés avec la modification de l’article R4301-3, supprimant la notion de « patient confié » qui était jusqu’ici exclusive, et laissant la place à la possibilité de l’accès direct. D’autre part, il prévoit la publication de l’arrêté relatif à la primo-prescription.
• L’article R4303-1 qui ne concerne que les IPA urgences est entièrement remplacé par de nouvelles dispositions. Jusqu’ici un double parcours était tracé pour les patients des urgences : d’un côté ceux présentant des motifs jugés « graves et complexes » devaient d’abord voir un médecin urgentiste avant éventuellement d’être pris en charge par l’IPA, et de l’autre ceux présentant avec des motifs « présentant un moindre degré de gravité et de complexité » pouvait être reçus directement par l’IPA à partir du moment où un médecin intervenait dans la prise en charge. Les nouvelles dispositions suppriment ce double parcours et permettent à l’IPA urgences de voir tous les patients directement. Cependant, il persiste une liste de motifs de recours qui devra être définie par arrêté, pour lesquels cet IPA urgences pourra établir des conclusions cliniques, ce qui sous-tend qu’il ne pourra pas le faire seul pour les motifs non listés.
• L’article R4301-4 est abrogé. Cet article encadrait le protocole d’organisation, un document obligatoire pour l’exercice de l’IPA qui prévoyait les différentes modalités d’organisation entre le médecin et l’IPA. Sa suppression était une revendication de longue date du syndicat, car il constituait selon les données remontant du terrain, un frein majeur à l’exercice. En effet, il laissait très peu de flexibilité dans l’exercice, notamment lors d’arrêts maladie ou de remplacements des médecins, ou tout simplement lorsqu’il fallait créer des parcours de soins larges au sein des structures. Certains établissements ou supérieurs hiérarchiques détournaient même ce document afin d’insérer des éléments totalement hors cadre réglementaires, comme des restrictions de prescription, des règles d’organisation horaire ou même des conditions financières.
De plus, ce protocole restreignait le champ d’exercice des IPA psychiatre et santé mentale. En effet, ils devaient obligatoirement signer un protocole d’organisation avec un psychiatre. La suppression du protocole leur permet donc de travailler aujourd’hui avec tout type de médecin, ce qui représente un immense espoir dans l’amélioration de l’offre de soins en santé mentale.
• L’article R4301-5 est entièrement remplacé par de nouvelles dispositions. Son écriture précédente imposait une concertation quant aux patients confiés à l’IPA. Il prévoyait également le partage d’informations entre le médecin et l’IPA, ainsi que les conditions dans lesquelles l’IPA pouvait gérer une situation dépassant son champ de compétences. Avec la nouvelle version, la modalité de concertation pour les patients confiés est supprimée, étant donné que l’IPA peut voir les patients directement. Les situations où le champ de compétences de l’IPA sont dépassées sont toujours prévues, avec une obligation d’adressage sans délai au médecin, accompagnée d’une information. En cas d’’absence de médecin traitant, l’IPA reporte l’information dans le dossier médical partagé et oriente le patient vers une structure adaptée en transmettant les informations utiles. Pour les IPA urgences, cet adressage doit être effectué vers le médecin de la structure d’urgence.
• L’article R4301-6 est abrogé. Il s’agissait d’un complément du protocole d’organisation, avec un document d’information au patient prévoyant les modalités de son suivi.
• L’article R4301-8-1 est modifié et précise que les étudiants IPA peuvent réaliser des actes et missions IPA en présence d’un médecin ou d’un IPA, uniquement dans le cadre de leur stage.
• L’article R4311-7 du CSP est modifié afin de permettre aux Infirmiers Diplômés d’Etat de mettre en application une primo-prescription réalisée par un IPA. Jusqu’ici, seul la mise en application d’un renouvellement était prévue.
En résumé/ Ce décret est porteur d’avancées majeures pour les IPA, mais surtout pour l’accès aux soins. Un patient pourra directement consulter un IPA, à partir du moment où ce dernier exerce en structure d’exercice coordonné, et ce sans que le patient n’ait été vu par un médecin auparavant. L’IPA pourra effectuer une analyse de la situation, poser un diagnostic, mettre en place une thérapeutique si cela entre dans son champ de compétences ou bien orienter le patient avec les informations nécessaires vers le médecin ou une structure adaptée.
Les possibilités d’exercice évoluent également avec la suppression du protocole d’organisation, présageant une meilleure implantation sur le territoire.
L’arrêté de primo-prescription permettra d’encadrer de manière plus précise le champ d’action des IPA, et il est attendu pour les prochaines semaines.
Un éclairage proposé par Jordan Jolys, vice-président de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa)
– Décret n° 2025-55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051013550
– Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santéhttps://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047561956