Si elle fait partie des formalités de l’admission d’un patient à l’hôpital, la réalisation de l’inventaire des effets personnels reste délicate. Cet acte parfois mal compris des usagers peut constituer une source d’inquiétude pour les soignants. Quelle conduite tenir en cas de découvertes de produits interdits ou dangereux ? Que faire face à l’opposition du patient ? In fine, a-t-on le droit de demander au patient de présenter l’ensemble de ses effets personnels ? Entre droits fondamentaux de la personne et préoccupations sécuritaires, à la lumière des responsabilités, le professionnel se questionne légitimement.
CADRE JURIDIQUE GLOBAL
Selon le Code de santé publique, l’inventaire décrit la procédure contradictoire de dépôt des objets et valeurs déposables par un patient (1). Il est réalisé au moment de l’admission, en présence du patient et de préférence par deux soignants.
• La protection des biens
L’inventaire s’inscrit dans le cadre des obligations de l’hôpital relatives à la protection des biens du patient. L’établissement est tenu d’informer la personne par oral et par écrit de la possibilité de déposer certains objets et « des principes qui gouvernent [sa] responsabilité (2) ». L’hôpital est en effet responsable de plein droit en cas de vol, perte ou détérioration des objets déposés par les hospitalisés (3). A contrario, dans le cas où le patient n’a pas souhaité procéder au dépôt, il ne peut être tenu responsable (4). La traçabilité reste le maître mot ! Il est donc indispensable de mentionner au sein du dossier médical le refus d’un patient. Par ailleurs, même si les textes ne le prévoient pas, la vulnérabilité du sujet hospitalisé en psychiatrie doit conduire à l’inciter au dépôt de ses valeurs, à tenter de la convaincre, dans son intérêt.
• Quels biens peuvent être déposés ?
La loi précise que le dépôt concerne uniquement « des choses mobilières dont la nature justifie la détention par la personne admise ou hébergée durant son séjour dans l’établissement » (5). Une circulaire (6) précise ces termes. Peuvent ainsi être déposés les sommes d’argent, les moyens de règlement (chéquiers, cartes magnétiques variées), les objets de valeur (bijoux) ou précieux de petites dimensions (briquets de valeur, boutons de manchette…).
CONTRÔLE DES BIENS DURANT LE SÉJOUR
Au-delà de cet inventaire initial, et compte tenu des « mouvements » au sein de l’établissement, comment assurer la protection du patient ? Quel levier pour « contrôler » les possessions de l’usager ?
• L’obligation de sécurité
L’hôpital ne dispose pas des moyens juridiques pour exercer un contrôle approfondi des effets personnels en vue de se prémunir des risques d’atteintes aux biens et aux personnes. Pourtant, en cas de problème – un décès dû à une intoxication médicamenteuse par exemple –, la responsabilité de l’établissement peut être engagée sur le fondement d’une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service, constituée par le fait d’avoir permis que des produits soient laissés en la possession de patients. Ainsi, la Cour administrative de Marseille (7) a reproché à l’hôpital d’avoir permis à une jeune patiente de se procurer du Subutex® (produit de substitution aux opiacés) auprès d’un autre patient. Elle est décédée d’un syndrome asphyxique lié à l’inhalation bronchique de liquide gastrique favorisé par une surdose médicamenteuse, alors qu’elle était déjà sous antidépresseurs.
• Fouilles et contrôles
Les professionnels de santé ne sont pas habilités à fouiller les personnes, ni à procéder à des palpations de sécurité (8). L’usage du vocable « fouilles » est ainsi à proscrire : il est préférable d’utiliser le terme de « mesures de contrôle ». Dans une recommandation en date du 16 mars 2020, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) n’exclut pas un régime dérogatoire dans des cas précis : « La pratique des fouilles des patients, de leurs placards ou des sacs des visiteurs, qui constitue une violation de l’intimité et une atteinte à la dignité, doit être proscrite. Il ne peut être dérogé à cette interdiction que dans les situations exceptionnelles, où une fouille permettrait de prévenir un risque grave et imminent pour le patient ou pour des tiers » (9).
En pratique, le règlement intérieur de l’hôpital doit préciser les modalités de réalisation de l’inventaire et des « mesures de contrôle ». à titre d’exemple, le règlement de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP) inclut cette notion de « péril grave et imminent » au sein d’un article intitulé « circonstances exceptionnelles » (10).
Récemment, à la suite d’un suicide par pendaison en son sein, un hôpital a été condamné en Cassation pour ne pas avoir « pris les mesures qui s’imposaient pour empêcher la survenance de ce risque et éviter que le patient se trouve en possession d’objets dangereux » (11), en l’occurrence la ceinture d’un peignoir qu’il s’était procuré au sein de l’unité de soins. Il est intéressant de préciser que dans cette affaire, les juges en appel n’avaient pas retenu la responsabilité de l’hôpital, considérant qu’un patient en soins libres « ne pouvait légitimement faire l’objet d’une fouille sans nécessité avérée ».
QUE FAIRE EN CAS DE DÉCOUVERTE PROBLÉMATIQUE ?
• Les stupéfiants
La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a publié une instruction (12) sur la conduite à tenir en cas de détention illégale de stupéfiants par un patient accueilli dans un établissement de santé : « On entend par produit stupéfiant illégal, non seulement les produits non autorisés en France (cocaïne, héroïne, ecstasy, cannabis…), mais également des médicaments stupéfiants détenus illégalement c’est-à-dire sans ordonnance justificative ». Les produits découverts doivent être remis dans les plus brefs délais aux services de police ou de gendarmerie. En attendant, ils doivent être déposés dans un coffre sécurisé : cette option est majoritairement retenue par les hôpitaux, en accord avec les autorités (dans le silence de la loi, il est en effet conseillé de définir avec les autorités compétentes les modalités de stockage des produits). L’identité du patient détenteur ne doit pas être communiquée. « Aucun texte de loi ne prévoyant la levée du secret professionnel en cas de détention illicite de stupéfiants, les établissements ne doivent donc pas signaler aux autorités judiciaires les patients détenteurs de ces produits », précise l’instruction.
• Les armes
Toute arme (arme à feu, arme blanche) découverte doit être saisie et remise aux autorités compétentes (police ou gendarmerie) (13). Selon la classification de l’arme, qui détermine le caractère légal ou illégal de sa détention, le patient pourra la récupérer (ou non) à sa sortie, le cas échéant en présentant son permis de port d’arme.
• Les objets dangereux
Une réflexion doit être menée au sein de l’hôpital en vue de dresser une liste des objets ne pouvant être conservés par le patient au cours de son hospitalisation, notamment au regard de son état de santé (ceinture, lacets, foulard en cas de risque suicidaire notamment). En pratique, en fonction de cette liste, les produits non compatibles avec le séjour d’une personne seront alors confisqués et stockés généralement par le cadre de santé (la loi ne précise pas les modalités de conservation de ces objets).
QUE FAIRE SI LE PATIENT REFUSE L’INVENTAIRE ?
La réalisation d’un inventaire des effets personnels nécessite l’assentiment du patient. Face à un refus, il suffit parfois d’expliquer les motifs de cette « intrusion » dans l’intimité de la personne, d’énoncer des règles claires et de travailler à établir une relation de confiance.
Néanmoins, n’oublions pas que le Directeur dispose de pouvoirs de police administrative en vue d’assurer et de faire respecter le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité. Certaines circonstances légitiment l’intervention des professionnels malgré un refus : une situation de « péril grave et imminent » ou de « nécessité avérée » peut ainsi conduire à des « mesures de contrôle » sans le consentement de la personne. En tout état de cause, ces mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées, et donc appréciées au cas par cas et tracées dans le dossier médical.
LE CONTRÔLE DES VISITEURS
Une attention particulière doit être apportée aux visiteurs des patients, susceptibles de détenir des produits interdits, de tenter d’introduire par exemple des boissons alcoolisées ou des denrées alimentaires non compatibles avec le régime alimentaire de leur proche. Dans la mesure où le Code de la santé publique permet au cadre de santé de s’opposer « dans l’intérêt du malade, à la remise à celui-ci de denrées ou boissons même non alcoolisées qui ne sont pas compatibles avec le régime alimentaire prescrit » (14), il peut être demandé aux visiteurs de présenter leurs sacs et effets personnels en vue de procéder au contrôle. « Les denrées et boissons introduites en fraude sont restituées aux visiteurs ou à défaut détruites. » (14). En cas de refus, le directeur peut s’opposer à la visite pour des raisons de sécurité (15).
Valériane Dujardin-Lascaux
Juriste, EPSM des Flandres
1 – Article R.1113-4 du Code de la santé publique (CSP)
2 – Article R.1113-1 du CSP
3 – Article L.1113-1 du CSP
4 – Article L.1113-4 du CSP
5 – Article L.1113-1 du CSP
6 – Circulaire interministérielle du 27 mai 1994 relative à la gestion des dépôts effectués par des personnes admises dans les établissements de santé et les établissements sociaux ou médico-sociaux hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés, en application de la loi du 6 juillet 1992 et du décret du 27 mars 1993.
7 – Cour administrative d’appel de Marseille, N°09MAO1562, 11 juillet 2005. Voir aussi « Comment contrôler les effets personnels des patients ? » , Éric Péchillon, Valériane Dujardin, Droit en pratique, Santé mentale n° 211, octobre 2016.
8 – Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.
9 – CGLPL, Soins sans consentement et droits fondamentaux, 16 mars 2020, p. 104, recommandation 43.
10 – Article 42 du règlement intérieur de l’APHP du 22 mai 2023. Extrait : « En cas de péril grave et imminent pour le groupe hospitalo-universitaire, pour son personnel ou pour un ou plusieurs de ses usagers, le directeur peut en outre et même à défaut de consentement des intéressés faire procéder en urgence à l’inspection de certains locaux et à l’examen de certains mobiliers ou véhicules. »
11 – Cour de cassation, 1re chambre civile., 6 avril 2022, n° 20- 22.148.
12 – Instruction n° 2011-139 du 13 avril 2011, BO Santé, protection sociale, solidarité no 2011/5 du 15 juin 2011.
13 – Lire aussi du même auteur : Quelle conduite tenir face à un patient détenteur d’une arme ? Droit en pratique, Santé mentale, n° 281, octobre 2023.
14 – Article R.1112-48 du Code de la santé publique.
15 – Article L.1112-2-1 du Code de la santé publique issue de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie. Cet article dispose : « Les établissements de santé garantissent le droit des personnes qu’ils accueillent de recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix. Sauf si le patient en exprime le souhait, aucune visite ne peut être subordonnée à une information préalable de l’établissement. Le directeur de l’établissement ne peut s’opposer à une visite que si elle constitue une menace pour l’ordre public à l’intérieur ou aux abords de l’établissement ou si le médecin responsable de la prise en charge du patient ou, à défaut, tout autre professionnel de santé estime qu’elle constitue un risque pour la santé de la personne hospitalisée, pour celle des autres patients ou pour celle des personnes qui y travaillent. Une telle décision, motivée, est notifiée sans délai au patient et à la personne sollicitant la visite. »