La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) publie son rapport d’activité pour l’année 2021. La crise sanitaire a assurément constitué un terreau fertile pour ces mouvements sectaires. Marquée par plusieurs confinements et des situations économiques et sociales difficiles, cette période a favorisé l’émergence de discours exploitant notamment l’isolement.
La MIVILUDES le rappelle, « les phénomènes sectaires portent délibérément atteinte à la liberté de conscience et à l’intégrité des individus et leurs effets sur les familles, les proches, et plus largement sur la cohésion nationale sont délétères« . L’enseignement principal de son rapport annuel 2020-2021 est l’augmentation continue, d’une année sur l’autre, du nombre de ses saisines : plus de 33 % entre 2020 et 2021, plus de 44 % entre 2018 et 2021 et plus de 86 % entre 2015 et 2021. Les 4 020 saisines comptabilisées pour l’année 2021 représentent un record. Ces chiffres alarment d’autant plus les pouvoirs publics qu’ils ne constituent que la seule part visible d’un phénomène plus large.
« Si la MIVILUDES observe une hausse de ses saisines, il faut néanmoins garder à l’esprit que de nombreuses victimes demeurent totalement indécelables. Plongées dans un état de dépendance et de perte d’autonomie psychique, elles n’ont pas conscience de faire l’objet d’une manipulation et ne peuvent se prévaloir du statut de victime pour entamer les démarches nécessaires à la reconnaissance et à la protection de leurs droits ».
Thérapies non conventionnelles, réseaux sociaux et complotisme
Le rapport note la permanence des « multinationales de la spiritualité » que sont l’Église de Scientologie et les Témoins de Jéhovah. Ces organismes – bien identifiés par les institutions – continuent de faire l’objet de saisines. Le rapport souligne également une évolution générale du phénomène sectaire, mettant en exergue la multiplication de petites structures dans les domaines de la santé, du bien-être et de l’alimentation. La place des pratiques de soins non conventionnelles devient un enjeu de santé publique. La désertification médicale des campagnes françaises n’est pas étrangère à ce phénomène qui prend des proportions inquiétanteset contribue à créer une insécurité sanitaire.
« Les thérapies non conventionnelles se sont développées dans le cadre de la crise sanitaire et portent un risque important en matière de santé publique ».
Le rapport constate aussi la multiplication des « gourous 2.0 ». Il s’agit de manipulateurs isolés et autonomes qui propagent leur doctrine sur les réseaux sociaux. Ces nouvelles doctrines touchent fortement les plus jeunes – notamment les mineurs, très vulnérables – qui sont d’importants utilisateurs des réseaux sociaux. Enfin le rapport dresse un lien clair entre les phénomènes sectaires et les thèses complotistes. La porosité entre les deux phénomènes et leur interdépendance tend à s’accroître, les théories du complot nourrissant largement les mouvements sectaires.
« La santé reste un sujet de préoccupation majeure avec 744 saisines traitées au total dont près de 70 % concernent les pratiques de soins non conventionnelles telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine germanique… 148 saisines ont été reçues en rapport avec le complotisme et le mouvement antivax dont la majorité est constituée de signalements, bien que ces sujets en tant que tels ne relèvent pas de sa compétence ».
Assises des dérives sectaires et du complotisme
Face à ces constats, Sonia Backès, Secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, tiendra au début de l’année 2023, les premières assises des dérives sectaires et du complotisme. Ces assises réuniront les services de l’État, des responsables politiques, des scientifiques, des experts ainsi que les associations engagées dans la lutte contre les dérives sectaires et le complotisme. Cet événement poursuivra trois objectifs :
– sensibiliser l’opinion publique aux dérives sectaires ;
– créer des modalités de coopération renouvelées favorisant l’identification et le signalement des dérives sectaires ;
– élaborer un plan d’action pluriannuel permettant d’adapter notre organisation ainsi que notre arsenal juridique à l’évolution du phénomène.
Sonia Backès, secrétaire d'État en charge de la Citoyenneté déclare : « La problématique des dérives sectaires, en plus d'être un sujet qui me touche personnellement, représente un danger majeur de séparatisme et de santé publique. Le rapport de la MIVILUDES nous montre que le phénomène sectaire s'accroît en France et se renforce par la modification de sa structure. La réponse de l'État se doit de changer d'échelle si nous voulons proposer des solutions efficaces. J'entends donc adapter l'action de l'État, au sortir des assises des dérives sectaires et du complotisme, afin de pouvoir bénéficier de tous les outils nécessaires pour combattre efficacement ce fléau ».
